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Prix Cherpillod 2023

Cette année, le jury du prix Cherpillod a été impressionné par deux productions. Le prix se dédouble donc pour récompenser la nouvelle de la lauréate (2M10) intitulée « Une minute », ainsi que la nouvelle du lauréat (1M09) intitulée « Runaway ».

Sandra Frei (2M10), « Une minute »

La nouvelle de Sandra nous fait monter à bord d’un tram en compagnie de cinq personnages qui ne se connaissent pas et dont les expériences sont relatées l’une après l’autre. Outre une maîtrise impeccable de la langue, le texte nous plonge dans une ambiance particulière et nous permet de saisir avec finesse l’intériorité des différents personnages. La progression du récit est fluide, intéressante, et l’effet de chute est indéniablement maîtrisé. C’est avec les félicitations du jury que le prix Cherpillod est donc remis à Sandra pour son excellente nouvelle.

Lauréat (1M09), « Runaway »

Dans la nouvelle, on découvre un morceau de la vie de Kay, un adolescent aux prises avec sa transition de genre, son amitié complexe pour Abel et une mère dépendante aux anti-dépresseurs. Comme le titre l’indique, c’est aussi le récit de sa fuite puis de sa renaissance au contact d’une femme lumineuse.

« Runaway » est le fruit d'un important travail d'écriture et de recherche de style dont attestent la dimension poétique du texte et l’utilisation de motifs touchants. Le récit, dans lequel s’insèrent parfois des poèmes ou des chansons, progresse de façon intéressante et aborde diverses thématiques actuelles telles que le harcèlement scolaire, la transidentité, le deuil et la dépression, avec beaucoup de finesse et de maturité pour un élève de première année.

Le jury du prix félicite donc chaleureusement le travail du lauréat et lui remet le prix Cherpillod.

Sandra Frei (2M10), extrait de « Une minute »

Julie a failli manquer le tram. Les bras surchargés, elle a dû se mettre à courir pour le rattraper.
Il démarre avec une légère secousse, elle reprend enfin son souffle. Son regard passe rapidement sur les passagers, la plupart ont un visage sans expression et le corps immobile, elle les envie. Elle joue des bras et réussit à s’appuyer dans un coin, la petite course a légèrement fait diminuer son angoisse, mais maintenant que sa respiration ralentit, la sensation revient, encore plus forte qu’avant.
C’est étrange, car la plupart des gens la connaissent, cette sensation : le ventre qui se serre, se soulève, la respiration qui s’entrecoupe douloureusement, l’envie d’évacuer quelque chose d’impossible, la peur irrationnelle et tourbillonnante. On ne peut rien avaler, plus on tente de la canaliser plus elle gagne en puissance, comme dévorant son hôte de l’intérieur.

Vous pouvez accéder à l'intégralité de la nouvelle « Une minute » ici.

Lauréat (1M09), extrait de « Runaway »

J’ai rasé ma tête impulsivement il y a environ deux mois, un soir où les Oiseaux sifflaient si fort que j’avais envie de crier et de m’arracher les cheveux. Auparavant, ils étaient longs, à peu près jusqu’à mes épaules. Ils me rendaient malade.
C’était comme s’ils n’existaient que pour accentuer la féminité de mon visage, pour rendre visible le fait que je n’étais pas un mec de la même manière que les autres. J’ai donc pris un rasoir pour les jambes, celui de ma mère, et une paire de ciseaux, et j’ai tout coupé, comme dans une dernière tentative d’alléger le poids de ma tête. Mes mains tremblaient. Elles tremblaient tellement, que lorsque j’ai eu un spasme involontaire, la pointe de mes ciseaux a incisé mon nez. Je m’étais senti ridicule, j’avais ri. Ça m’avait aidé un peu. Maintenant, l’image dans le miroir passe ses doigts sur la fine cicatrice diagonale que cet incident a laissée. La peau est plus rosée et plus lisse à cet endroit-là.
Je sens la Chose grandir en moi. Je me regarde et j’ai l’impression d’être une maigre esquisse, une ombre de ce que j’aurais pu être, de ce que j’aurais pu vivre si je n’étais pas ici. Je n’ai pas de couleurs sur la langue, les mots “bonheur” et “joie” ne vivent pas en moi. La Chose pousse et s’installe dans mon ventre, elle envahit mes poumons, remonte jusqu’à ma gorge, comme une masse de racines purgatrices, à la fois noires et porteuses d’espoir. 

Vous pouvez accéder à l'intégralité de la nouvelle « Runaway » ici.